©Clément Fodella

La Marelle - Cie Ciel - Eva Luna

La marelle. Un corps qui parle le langage de l’acrobatie, un texte qui habite des mouvements. Des mouvements qui écrivent  sur leur passage. Le corps impulse, implose, laisse des traces. La voix sursaute, crie, chuchote. Un texte sur la vie, sur une marelle, la vie comme une marelle : les contradictions, les coïncidences et l’incertitude d’arriver au ciel.

Actuellement La marelle se présente en forme de numéro de 7 minutes. Mon projet est de faire grandir cette matière pour créer un court spectacle d’environ 30 Minutes.
Résidence accompagnée du 30 avril au 14 mai 2018. Sortie de résidence : lundi 14 mai > 19h à l'Entre-Pont.

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Démarche artistique : ma référence littéraire et source première de mon inspiration pour le numéro est l’œuvre Rayuela (Marelle, dans la traduction française) de l’argentin Julio Cortázar, et en particulier le chapitre n° 104.

La vie, comme un commentaire de quelque chose d’autre que nous ne pouvons atteindre, et qui est là, à portée du saut que nous ne faisons pas.   La vie, un ballet sur un thème historique, une histoire sur un fait vécu, un fait vécu sur un fait réel.   La vie, photographie du noumène, possession dans les ténèbres (femme ? monstre ?), la vie, proxénète de la mort, splendide jeu de cartes, tarot aux formules oubliées que des mains arthritiques rabaissent à n’être plus qu’un lugubre jeu de patience.

Mon désir est de faire sortir le cirque du chapiteau, d’ aller à la rencontre d’ autres formes d’arts, de mélanger les langages, et de donner une autre vision du penser littéraire. Une vision qui passe non plus par l’esprit rationnel mais par l’énergie du corps. Pendant la création je voudrais explorer ultérieurement le vocabulaire acrobatique et approfondir la recherche d’expression corporelle. Tout ça en explorant encore plus au fond le texte, pour le faire parler encore plus, pour le faire, dans le vrai sens, bouger. Une partie de ce  travail de création serait aussi une investigation sur l’écriture dansée, sur les dessins que mes mouvements peuvent tracer au sol avec la craie.  Une étape successive serait la création de l’univers sonore avec le chevauchement, et la juxtaposition de certains enregistrements des bruits et de ma voix que j’ai fait précédemment. J’aimerais que ma vrai voix puisse répondre, demander, faire écho à la voix enregistrée, aux sons, à la musique. Je travaillerais donc avec un chorégraphe qui sera mon regard extérieur dans la partie d’expression corporelle, et avec un musicien qui aidera dans la construction de mon univers sonore, grâce aux enregistrements mais aussi à une recherche approfondie des bruits produits par les chutes, les frottements au sol, les glissades, etc…  Je prévois deux périodes de résidence, une première de une semaine en novembre à Piste d’Azur : en tant qu’ancienne élève j’ai la possibilité d’être accueillie en résidence pour une recherche en solo de la matière, afin de rallonger le numéro, de l’enrichir de sens. Une recherche qui soit de danse, acrobatique, de contorsion, d’équilibre et rythmique. Une deuxième phase, celle pour laquelle je demande votre aide, en avril, accompagnée par la chorégraphe Emmanuelle Pepin et le musicien Jean Claude Moulin pour créer l’ambiance sonore du spectacle.
 
 

Le texte, d’un fatalisme romantique, n’est qu’une liste des tristes images, de belles images, insignifiantes et absolues. Des évocations, des détails, qui cherchent à dire la nature de la vie, une nature qu’on découvre être purement esthétique. La vie, en fait, ne semble n’avoir aucun sens ; inexplicable dans ses contradictions, ses coïncidences, son incertitude. Ce qui reste c’est la musicalité des paroles, la sophistication des symboles évoqués, un sentiment de nostalgie du temps. Plus généralement, ce sont les courants littéraires du surréalisme et du réalisme magique sud-américain (dont Cortázar fait partie) qui nourrissent mon imaginaire artistique. L’incongruité est acceptée comme partie de la (des) réalité(s), le manque de signification n’est pas vécu de manière pessimiste, la beauté semble justifier, peut-être, notre inutile présence sur terre.  Cette vision me rappelle la recherche philosophique nietzschéenne (référence presque constante dans mes travaux), qui consiste à  « joindre en une seule chose poétique tout ce qui chez l’homme n’est que fragment et énigme et lugubre hasard ». La mélancolie de l’absence du sens est substituée par un amour terrestre pour la vie, que seule une écriture poétique peut arriver à décrire.  
 
Et si seulement l’art peut dire ces idées, mon travail s’inscrit comme une tentative  de donner corps, dans le sens propre du terme, à la conception de la vie de Cortázar. Les mouvements acrobatiques constituent le langage artistique alternatif à l’écriture de l’écrivain argentin; le texte dit devient l’univers sonore de fond sur lequel se déroule le numéro.   Le corps chute, impulse, implose, dessine des lignes, des cercles; l’énergie qui le parcourt le décompose, il est habité par des images. En tant que circassienne mon corps est dynamisé par la technique aussi, laquelle a toujours exercée une subtile fascination sur moi. Je vois la technique non pas comme un vide à remplir d’un contenue artistique, mais comme une forme de communication physique parmi d’autres recherchant la performance.